La Miviludes contre-attaque

Malgré la discrétion des moyens mis en œuvre et le black-out complet des journaux sur les résultats effectifs et réels de son action, la Mission Interministérielle de VIgilance et de LUtte contre les DErives Sectaires reprend du service sous la nouvelle direction de Georges Fenech. Pourtant ce dernier est attaqué de toutes parts, tant par ses adversaires politiques dans son implication dans le scandale de ventes d'armes françaises en Angola (a.k.a. Angolagate), que par ses adversaires de la profession de par ses propos antisémites à l'encontre du magistrat Albert Levy, enfin par ses adversaires des milieux anti-sectes qui ne l'épargne pas en pointant le fait que la Miviludes est très exposée au puissant lobbying des poids lourds français des NMR (Nouveaux mouvements religieux) : Eglise de la Scientologie et Témoins de Jéhova.
Usant de tous les leviers institutionnels possibles et d'un réseau d'influence étendu au sein des institutions républicaines, le président de la Miviludes mène une campagne rigoureuse à l'encontre de toutes les alternatives aux professions réglementées et aux fonctions traditionnelles de la république. Ainsi le ministère de la Santé a mis sur pied une cellule spéciale de surveillance des psychothérapeutes et assimilés (Europe1), arguant que plus d'un tiers des professionnels inscrits seraient issus de mouvements sectaires ou reconnus comme tel par les divers rapports remis au gouvernement depuis les quinze dernières années. Dans la même interview, le président de la Miviludes s'est félicité de l'action de traque menée par le Ministère du Travail auprès des associations concernées pour éradiquer le travail forcé et non-rémunéré. Enfin, il a souhaité que le Ministère de l'Education mette en place un dispositif de surveillance pour les scolarisations à domicile des familles.
Si l'ensemble des mesures prises et évoquées par Georges Fenech ne posent pas de problème en soi et suivent des mesures conformes au dispositif législatif en vigueur dans notre pays, il soulève néanmoins un problème de taille. En effet ces mesures de surveillance et éventuellement de redressement ou de répression ne s'appliquent qu'aux associations cultuelles et à vocation cultuelles, ainsi qu'aux adhérents, pratiquants et sympathisants de ces nouveaux mouvements religieux. Chaque citoyen, quelles que soient ses convictions religieuses, est soumis à un ensemble de lois et de règles institutionnelles. Ces dernières sont prévues par des textes législatifs et mises en œuvres par les pouvoirs publics. Aucune des contraventions relevées par le président de la Miviludes ne sort du cadre législatif prévu par la loi et l'on ne voit pas bien quelle est la spécificité des NMR ou des associations cultuelles françaises qui nécessiteraient une action administrative et juridique d'exception. C'est donc là où le bas blesse.
Faute de pouvoir démontrer la spécificité des dérives sectaires : lavage de cerveau, endoctrinement, fanatisme religieux, etc. car ce n'est en aucun cas la spécificité des nouveaux mouvements religieux, la Miviludes en est réduite à devenir une instance en surplomb de la République chargée de mater l'alternative religieuse au nom de la sacro-sainte laïcité à la Française. Elle doit pour cela doubler les dispositifs juridiques en vigueur de ses propres enquêtes, comités de surveillance, instances de veille et autres cellules d'exception à l'intention de tout ce qu'elle jugera comme dérive sectaire ou mouvement à caractère sectaire. Et comme ces deux caractéristiques sont on ne peut plus subjectives et relatives à la perception de chacun, la Miviludes est libre d'enquêter à l'avenant.
La position inconfortable et peu républicaine de la Miviludes pose de multiples problèmes. Mais elle reste sans pouvoir réel, sinon celui de nuisance dans l'espace public. En effet, son action réelle se limite à produire une littérature insipide et indigeste sur des mouvements aussi marginaux qu'inconnus du grand public. Cette littérature est destinée, en même temps que des séminaires ponctuels, aux fonctionnaires et aux élus locaux. En l'absence d'une identification claire de ce qu'est ou non une secte, les intéressés se retrouvent devant une information pauvre, nébuleuse et entièrement articulée sur le soupçon et le risque potentiel. La réaction générale est donc la méfiance envers toute forme de croyance, quelle qu'elle soit.
Finalement, on peut se demander si la Miviludes n'a pas pour fonction première de semer le doute dans l'esprit des élus locaux et des fonctionnaires de l'Etat afin d'entretenir un climat de suspicion dès lors que les termes religion, foi, croyance, rite émergent dans l'espace public. Au travers de ces récentes interventions, le président de la Miviludes ne fait qu'amplifier ce sentiment et de l'étendre à toutes les formes d'alternatives en matière de médecine, de psychothérapies, d'éducation et plus généralement de croyances. Cet effort d'uniformisation sociale suit-elle une stratégie plus large de mise en coupe réglée des citoyens dans un pays qui continue d'afficher sur les frontons de ses mairies : liberté, égalité, fraternité ? C'est une question qui reste en suspens et que les médias, à gauche comme à droite, refusent de poser de manière claire à ceux et à celles qui dirigent la France...