L'espoir de l'alternance au Japon

Ces dernières semaines, l'actualité politique japonaise ne cesse de faire la démonstration de la lassitude du public pour une politique terne, inconsistante, manquant tant d'une envergure nationale que d'une stratégie de positionnement au plan international. Malgré la fracassante démission de la figure centrale de l'opposition japonaise, Ichiro Ozawa, la côte de popularité de l'actuel cabinet de Taro Aso continue de baisser comme le montre un récent sondage effectué par le quotidien Mainichi.
Localement, les effets de cette érosion se sont fait sentir lors d'une élection municipale anticipée dans la ville de Chiba, bastion du PLD. Cette dernière a vu la victoire incontestable d'un outsider de 31 ans, Toshihito Kumagai, un fait rare dans un pays que l'on sait très conservateur, soutenu pas le DPJ de Yukio Hatoyama. Son adversaire, Kojiro Hayashi, âgé de 63 ans et très soutenu par le PLD et son allié de coalition le Nouveau Komeito.
Cette victoire de l'opposition pourrait bien être l'annonce d'une défaite cuisante lors des prochaines élections de la Chambre des Représentants. Non seulement, le jeune Kumagai a battu un vétéran du monde politique local, mais il a emporté une écrasante majorité des électeurs non-affiliés aux partis politiques en place dans le paysage institutionnel japonais. En dépit d'une certaine inertie et d'habitudes traditionnelles, l'électorat japonais commence à prendre ses distances avec l'état des choses et à rechercher l'alternative.
Cette recherche survient dans un contexte de crise économique, d'apathie industrielle, d'une concurrence rude et guerrière dans la sphère asiatique et surtout dans un climat intérieur particulièrement mauvais. Avec une réelle récession, un chômage en hausse historique, une véritable incertitude des ménages sur leur avenir immédiat et sur celui de leurs enfants, le Japon connaît une crise majeure tant sociale que économique. A cela s'ajoute une panique politique contenue de la par de la classe politique dirigeante qui s'avère incapable de tenir un discours de changement ou une stratégie nouvelle face aux bouleversements mondiaux.
La victoire d'un jeune outsider de moins de quarante ans est également un revers pour le petit mais puissant allié politique du PLD, le Nouveau Komeito. Fortement implanté sur le terrain au travers du réseau créé par la Soka Gakkai au Japon, le Nouveau Komeito dispose bien souvent d'une capacité de mobilisation locale qui permet de faire la différence et d'arbitrer en faveur de son allié, le PLD, les scrutins et les stratégies électorales. Perçu à la fois comme le bras politique (bien que institutionnellement indépendant) de la Soka Gakkai, mouvement bouddhiste populaire et laïque, et comme une force de changement au sein de la coalition, le Nouveau Komeito commence à souffrir sérieusement de l'usure du pouvoir du PLD.
La victoire d'un jeune homme à ces élections municipales, au cœur d'une zone de densité importante de population et surtout dans l'une des région les plus industrielle et active du pays, apparaît comme un revirement de l'opinion publique japonaise qui pouvait voir dans le programme du Nouveau Komeito une émanation de la philosophie humaniste de la Soka Gakkai (en dépit de toutes les controverses qu'elle suscite).
L'électorat japonais est peut-être au point de rupture avec les traditions et en demande d'une alternance réelle, concrète, qui pourrait venir de ceux qui n'ont jamais vraiment eu le pouvoir de gouverner jusqu'à maintenant. Et bien qu'il ne s'agisse là que d'une élection locale, comme ne cessent de le marteler les commentateurs du PLD, la victoire du candidat du DPJ pourrait bien annoncer sinon une fin de règne, au moins un solide retournement de situation dans le panorama politique complexe et souvent corrompu du Japon. Reste à savoir si les élus du DPJ en septembre prochain, seront capables de se montrer plus inventifs et surtout plus enclins aux changements qui s'imposent pour redonner au pays la dynamique conquérante qui lui avait permis dans les années 50 et 60 de métamorphoser une machine de guerre anéantie en une machine économique et industrielle de premier plan.

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