Le Japon en suspens...

Cent jours après la victoire écrasante et historique du Parti Démocrate Japonais, la population déchante et les sondages annoncent que le gouvernement Hatoyama passe sous la barre des 50% de satisfaits. Étant donné la valeur toute relative des sondages d'opinion, surtout au Japon, ce chiffre n'est qu'un indicateur de plus de la difficulté que rencontre la nouvelle administration face aux complexités de la situation japonaise; d'une part, et mondiale, de l'autre.

Englué par une politique de coulisses, le DPJ et son leader officiel n'ont pas les coudés franches pour mener la politique intérieure qu'ils souhaiteraient. Pas plus que la crise économique mondiale, la suprématie industrielle et commerciale de la Chine voisine et la proximité de l'Inde, ne permettent au Japon d'entrevoir une sortie aisée du marasme économique au niveau mondial. La relative inexpérience de l'actuelle administration en matière de négociations internationales et de relations diplomatiques accentue le décrochement du Japon du reste du bassin Est-Asiatique. Et ce ne sont pas les incantations de Yukio Hatoyama et ses appels à une communautés économique asiatique qui vont adoucir le calvaire.

Que l'actuelle majorité gouvernementale et son cabinet peinent à trouver un vrai rythme et à mettre en action des projets d'envergure n'est pas une surprise. Ce qui l'est, c'est la faiblesse, pour ne pas dire l'inexistence, de l'opposition dans les domaines internationaux ou domestiques. Après la terrible défaite, le PLD et le Nouveau Komeito se sont déclarés en phase de réforme et de consolidation, chacun dans son camp, travaillant à trouver leur spécificités et leurs caractéristiques politiques. Trois mois plus tard, les montagnes accouchent de souris. Une opposition nulle, un discours critique inexistant ou inconsistant, si invisible que les grandes agences d'information peinent elle aussi à trouver un contrepoint à la mollesse et à l'inefficacité de l'administration démocrate.

Cette mise en suspens de l'activité politique japonaise s'accompagne symétriquement de l'émergence de nombreux problèmes structurels. Face à des voisins dynamiques, conquérants et bénéficiant de régimes peu ou pas démocratiques, le Japon paye cher son intransigeance sur des différents territoriaux, sur les reconnaissances historiques des exactions passées, et sur une fermeture obstinée de ses frontières tant du point de vue humain que commercial et culturel. Comme au Moyen-Âge, l'archipel reste fermé, muré dans la certitude de son inviolabilité territoriale, telle une forteresse d'un autre temps tentant de résister à la mondialisation.

Devant l'enlisement de la situation politique, qui connaîtra une validation ou une invalidation aux prochaines élections sénatoriales, l'alternative promise par le DPJ reste lettre morte et les électeurs ne s'y trompent pas. Mais faute d'alternatives venant du PLD ou du Nouveau Komeito, représentant dans les esprits l'opposition, le citoyen japonais commence à avoir l'impression d'être enfermé dans une prison culturelle et géographique qui le rend incapable de migrer vers les pays voisins ou de s'implanter dans des contrées lointaines où les conditions économiques ne sont pas meilleures, loin de là. Bien que certains intellectuels japonais commentent et analysent avec pertinence la situation actuelle, ils reconnaissent également l'inexistence d'un discours politique ou philosophique d'une portée concrète qui emporterait l'adhésion massive de la population.

Le Japon est en suspens... et le restera jusqu'aux prochaines élections. Elles sont redoutées par le DPJ paralysé par l'inertie héritée de ses prédécesseurs. Elles sont espérées par le PLD comme le moyen d'un retour aux affaires courantes par défaut et par habitude. Elles sont incertaines pour tous les autres partis qui risquent bien de finir par disparaître encore davantage du paysage politique et historique du pays.

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